BE HAPPY
TITRE : HAPPY-GO-LUCKY
REALISATEUR : Mike Leigh
ACTEURS : Sally Hawkins, Eddie Marsan...
DUREE : 1h58'
Un moniteur d'auto-école tracassé et consciencieux reçoit comme élève une trentenaire insouciante, superficielle et désespérément guillerette. Celle-ci découvrira, malgré elle, que finalement rien n'est moins contagieux que le bonheur...
Happy-Go-Lucky est un film étrange, qui se présente comme une comédie joyeuse mettant en scène une héroïne joliment optimiste, et qui m'a semblé en fait un drame dont le personnage principal est ce malheureux moniteur d'auto-école (d'où mon résumé ;) !)
Car Pauline (Poppy pour les intimes) pour optimiste qu'elle soit, n'en est pas moins totalement invivable : immature, superficielle, désinvolte, elle s'est construit un personnage en perpétuelle représentation, jamais là, jamais vraiment présent, en un mot : inconsistant.
Cette sorte de mécanisme de défense, qui, en gros, lui fait prendre "tout à la rigolade", laisse imaginer comme nécessairement une incapacité chronique à accepter le monde tel qu'il est, ses difficultés, ses tristesses, ses malheur, qu'elle ressent sans doute profondément, mais qu'elle évacue dans une puérilité systématique et pathologique.
Et pourtant, lorsqu'elle se trouve confrontée à la violence (celle de l'enfant battu par son beau-père, battant à son tour ses camarades à l'école), on sent combien derrière l'hystérie du ricannement se cache une empathie peut-être trop difficile à gérer avec les autres. Ce n'est donc pas un hasard qu'elle se sente attiré vers celui qui - justement - est là pour être à l'écoute, calmement, simplement, efficacement, pour affronter le mal et les difficultés en face.
Mais c'est évidemment dans sa confrontation avec le moniteur d'auto-école (Scott - incroyablement joué par Eddie Marsan) que le film devient vraiment intéressant. Lui, rongé par les rancoeurs, la solitude, a choisi comme mécanisme de défense pour se protéger d'un monde qu'il déteste le sérieux, la méticulosité, le professionalisme. Tout l'inverse d'elle. Et c'est bien sûr le coup de foudre.
Fasciné malgré lui par les mini jupes de Poppy, ses chaussures qui-ne-sont-pas-adaptées-à-la-conduite, son sourire, ses taquineries, ses caprices, son étourderie, elle lui fera vivre un véritable calvaire psychologique. D'autant plus qu'il découvre que, comme lui, elle est pédagogue. Comme lui, elle a choisi un métier où l'on donne plus qu'on reçoit, où le dévouement n'a souvent comme réconpense que l'indifférence ou l'ingratitude.
Double négatif le renvoyant par son sourire perpétuel à toutes les angoisses qu'il n'a pas su gérer, Scott n'en est pas moins parfaitement lucide sur l'inauthenticité fondamentale de l'ingénuité de Poppy. Et la tirade à la fois grandiose et pathétique qu'il lui fait lorsqu'elle lui a confisqué les clés de sa voiture (dans une sorte de castration insupportable) est le grand moment du film. Celui où l'on découvre que le bonheur des uns peut susciter les pires souffrances chez les autres, quand il est un spectable inacessible, et que pour tout rempart aux malheurs du monde on n'a su trouver, soi-même, que la tristesse et la bile.