MARTYRS
TITRE : MARTYRS
REALISATEUR : Pascal Laugier
ACTRICES : Mylène Jampanoï, Morjana Alaoui...
DUREE : 1h40'
Une jeune fille qui a été séquestrée et battue dans son jeune âge retrouve la piste de ses bourreaux. Elle est accompagnée d'une complice qui en fera les frais...
Martyrs n'est pas un film sans défauts, on est bien obligé de l'admettre. Ils sont même divers et variés, et pourraient suffire à ôter tout intérêt au film.
Tout d'abord le jeu des deux actrices principales, est loin d'être convaincant. A de rares exceptions près, rien ne semble "vécu", tout est en représentation, théâtralisé, ce qui empêche bien souvent le spectateur (et la spectatrice) d'y croire, de compatir, de partager. Mais cela n'est rien comparé aux seconds rôle qui sont presque tous totalement affligeants.
Ensuite le film pèche à mon avis par un manque de cohérence. Il juxtapose trois parties qui auraient pu, chacune, être un film à elles seules. La première très classique, sans vraie surprise, qui n'est qu'une nouvelle histoire de vengeance traumatique, avec ses fantômes grimaçants et sa violence libératoire.
La seconde - la plus originale - qui est cette longue errance dans l'horreur, peu à peu dévoilée, et ce chemin vers l'humanisation et la rédemption. La troisième, classique à nouveau, nouvelle histoire d'une expérimentation ignoble, cachant mal son abjection sous des alibis mystico-philosophiques de pacotille.
Et pourtant l'idée finale, aussi abjecte soit-être, n'en est pas moins intéressante. Même si elle se fait à partir d'une entorse au sens du mot "martyr" : un martyr n'est pas un "témoin" de l'au-delà, mais - à l'inverse - un "témoin" qui se souvient, c'est-à-dire celui qui se souvient de sa foi jusqu'au bout, malgré les souffrances et les tortures (marturos en grec se rattache à l'indo-européen smarati "se souvenir" qu'on retrouve dans memoria "mémoire").
Mais malgré cette entorse un peu facile, l'idée que la souffrance puisse séparer l'âme du corps et puisse, parvenue à un certain degré, devenir une expérience transcendante, un contact avec le non-corps et les vérités que le corps empêche de saisir est - donc - intéressante. Dangereuse, sûrement fausse, ouverte à tous les abus et donnant droit aux justifications les plus malhonnête, mais intéressante. Et qu'un groupe de pervers illuminés tentent l'expérience sur des victimes innocentes, c'est la trame qui aurait suffi à faire un excellent film.
Malgré tout, si quelque chose est réussi dans ce film, et justifie largement d'aller le voir, c'est le passage progressif de la violence à la souffrance. Insensiblement (et c'est surtout le rôle de la deuxième partie) on va passer du spectacle extérieur de la violence (la vengence) au ressenti intérieur de la souffrance (la torture). Cette évolution de la complaisance vers la compassion fait passer en quelque sorte le spectateur d'un voyeurisme confortable et morbide à une expérience beaucoup plus intime qui renvoie à notre angoisse immémoriale de la douleur.