REDACTED

Publié le par Pénélope Lemarchand

redacted.jpgREALISATEUR : Brian De Palma
ACTEURS : Kel O'Neill, Ty Jones...
DUREE : 1h30'


     Après avoir conduit une inspection de nuit dans une maison de Samara en Irak, quelques militaires américains retournent sur les lieux pour violer la fille de la famille...

     Il est difficile de parler de Redacted, la fin du film incitant plus à la méditation qu'au bavardage. Le générique défile dans un silence totale. Personne n'ose trop bouger dans la salle. Dans la mémoire rôde la dernière image, une sublime photo de Taryn Simon représentant le corps de Farah, morte violée et brûlée.
     Juste avant, pour évoquer les "dommages colatéraux" du conflit, les photos de victimes civiles, hommes femmes et enfants, sur la musique du grand air du IIIème acte de Tosca de Puccini. "A jamais enfui mon rêve d'amour... L'heure s'achève... Je meurs désesépéré... Et jamais je n'ai tant aimé la vie".
     Juste avant, cette dernière image du retour : des histoires qui hantent, des cauchemars, du remord, cette manière de se haïr soi-même et de n'avoir pire ennemi que sa mémoire, pire ennemi que son reflet dans le miroir, et pourtant devoir sourir, parce que c'est fini, parce que c'est loin, parce que c'est passé, parce que les autres sont là, qui n'y sont pour rien, et qui ne peuvent rien comprendre.
     J'ai tout aimé dans ce film. Le point de vue unique, étriqué, qui nous enferme dans cette absence totale de recul par laquelle peuvent s'expliquer toutes les dérives, tous les abus, l'ignoble impunité de ceux qui ne comprennent ni où ils sont, ni ce qu'ils font, ni pour qui ni pour quoi. Ce point de vue par lequel - même si le film ne le dit pas explicitement - la guerre semble aussi le vide-ordure des indésirables, ces américains sans repères, la jeunesse inutile, la jeunesse nuisible, qu'on envoie là-bas à coup de recruteurs et de promesses, parce qu'ils sont mieux à pourrir Irak qu'à traîner sur le bon vieux sol de leur patrie.
     J'ai aimé ce documentaire français, Barrage, - lu par Julie Thiery - au images lentes et dorées, au discours distancé, à la musique - une trop fameuse Sarabande de Haendel déjà utilisée à l'envi par Stanley Kubrick dans son Barry Lindon - totalement décalée. Discours sans doute trop intellectualiste, laissant entendre qu'entre l'aveuglement de l'action et le détachement de la pensée, il y a la place qu'il faudrait trouver pour - véritablement - comprendre : car on ne peut comprendre ni quand on est plongée dans l'opacité des faits, ni quand on est protégé par la distance de la réflexion.
     Et c'est à ça que peut servir l'image (à condition qu'elle ne soit pas "redacted") : ni le fait lui-même (nous ne sommes pas vraiment à Samara), ni un dicours sur le fait (le film n'est pas un livre de philosophie de la guerre), les images sont malgré tout un peu des deux à la fois. Un peu du fait puisque, par le style "direct" et toujours motivé du camescope, des caméras de surveillance, des caméras cachées, de webcams, qui nous plongent au plus près de la réalité ; un peu du discours puisqu'une image n'est jamais neutre, jamais muette, et parce qu'elle est toujours due à un regard, elle est toujours intentionnelle et donc idéologique.
     Et que comprend-on ? On comprend que le droit à la guerre (avons-nous le droit de déclarer cette guerre ?) comme le droit dans la guerre (qu'avons-nous le droit de faire dans cette guerre ?) ont encore du chemin a faire. Car la guerre - qui est peut-être l'activité la plus naturelle de l'homme - est par conséquent la plus grande machine à impunité qu'on puisse imaginer. Elle repousse l'homme à une époque d'"avant la faute", c'est-à-dire d'avant toute responsabilité, et - contrairement à ce que l'on pourrait naïvement croire - d'avant tout honneur. Ultime regression qui laisse penser que tout reste toujours à recommencer.

Publié dans Mes Tops

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G
Ok, je fais regarder ce film, suite à la lecture de ton article !
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S
T'as ben de la chance d'aller au ciné en ce moment<br /> moi ce n'est pas avant vendredi ou samedi.....
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L
As tu été voir Jumper? Ou Chambre 1408? c 2 film mon l'air terrible
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T
Salut Pénélope, ton article est très interessant, très bien écrit. A la lecture, il est clair que je vais aller voir ce film qui a l'air de poser beaucoup de questions. <br /> DE PALMA nous revient dans un film à priori engagé, ça fait plaisir.<br /> Thib.
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